Défilé d'amour
Ce poème , noté de la main de Orhan Veli sur un papier enveloppant sa brosse à dent, fut trouvé après sa mort. Certains vers sont irrémédiablement effacés. Publié à titre posthume, 1.02.1951
La première était toute mince, comme une feuille,
Aujourd'hui elle doit être femme de commerçant.
Elle a dû en prendre, du poids.
Mais j'aimerais beaucoup la revoir,
Premier amour... amour toujours.
La deuxième Münevver, était plus âgée que moi.
Avait des larmes aux yeux à force de rire
En lisant les lettres d'amour que je jetais dans son jardin.
Quant à moi, j'ai honte comme si c'était aujourd'hui
En me rappelant ce que j'avais écrit.
.......................qu'est-ce que ça peut faire
.......................faisions dans le quartier
.......................dans l'état
.......................s'écrivait côte à côte sur les murs
.......................aux lieux d'incendie.
La quatrième était déchaînée,
Me racontant des histoires coquines.
Un jour, sans crier gare, elle s'est mise nue devant moi.
Les années ont passé, je n'ai pu l'oublier,
Tant de fois j'ai rêvé d'elle.
Je passe sous silence la cinquième et viens à la sixième.
Son prénom : Nurinnisa.
Ô ma belle !
Ô ma brune !
Oh la la !
Ma Nurinnisa !
La septième, Aliyé, était une femme distinguée,
Mais je n'ai pu vraiment l'approcher :
Comme toute femme distinguée,
Il lui fallait fourrure et dorure.
La huitième était de la même race.
Elle doutait de la vertu des autres femmes
Mais devenait enragée quand on lui parlait de la sienne.
De surcroît..........
Elle mentait comme elle respirait.
Ayten était le prénom de la neuvième.
Esclave de l'un ou de l'autre au boulot,
Mais à la sortie du claque
Elle allait au pieu avec l'homme de son choix.
La dixième s'est révélée intelligente
.......... est partie ..........
Elle n'avait pas tort toutefois,
Faire l'amour est réservé aux riches,
Aux rentiers.
Quand deux cœurs s'unissent, dit-on,
Peu importe de se retrouver sur la paille.
Oui, mais alors
deux meurt-de-faim ne peuvent se retrouver
La onzième tenait à son travail.
Pouvait-elle faire autrement,
Payée à la journée par un salaud ?
.......... lexandra,
Elle venait dans ma chambre
Pour y passer la nuit,
Buvait du cognac, se soûlait,
Reprenait le boulot à l'aube.
La dernière, enfin.
Je ne me suis attaché à aucune
Comme à elle.
Pas seulement femme : humaine.
Ni précieuse ridicule
Ni cupide.
Aspirant à la liberté,
A l'égalité.
Aimant les hommes
Comme elle aime la vie.
Orhan Veli, Va jusqu'où tu pourras, Editions Bleu autour - Collection Poètes, vos papiers !, mars 2009
Ce poème , noté de la main de Orhan Veli sur un papier enveloppant sa brosse à dent, fut trouvé après sa mort. Certains vers sont irrémédiablement effacés. Publié à titre posthume, 1.02.1951
La première était toute mince, comme une feuille,
Aujourd'hui elle doit être femme de commerçant.
Elle a dû en prendre, du poids.
Mais j'aimerais beaucoup la revoir,
Premier amour... amour toujours.
La deuxième Münevver, était plus âgée que moi.
Avait des larmes aux yeux à force de rire
En lisant les lettres d'amour que je jetais dans son jardin.
Quant à moi, j'ai honte comme si c'était aujourd'hui
En me rappelant ce que j'avais écrit.
.......................qu'est-ce que ça peut faire
.......................faisions dans le quartier
.......................dans l'état
.......................s'écrivait côte à côte sur les murs
.......................aux lieux d'incendie.
La quatrième était déchaînée,
Me racontant des histoires coquines.
Un jour, sans crier gare, elle s'est mise nue devant moi.
Les années ont passé, je n'ai pu l'oublier,
Tant de fois j'ai rêvé d'elle.
Je passe sous silence la cinquième et viens à la sixième.
Son prénom : Nurinnisa.
Ô ma belle !
Ô ma brune !
Oh la la !
Ma Nurinnisa !
La septième, Aliyé, était une femme distinguée,
Mais je n'ai pu vraiment l'approcher :
Comme toute femme distinguée,
Il lui fallait fourrure et dorure.
La huitième était de la même race.
Elle doutait de la vertu des autres femmes
Mais devenait enragée quand on lui parlait de la sienne.
De surcroît..........
Elle mentait comme elle respirait.
Ayten était le prénom de la neuvième.
Esclave de l'un ou de l'autre au boulot,
Mais à la sortie du claque
Elle allait au pieu avec l'homme de son choix.
La dixième s'est révélée intelligente
.......... est partie ..........
Elle n'avait pas tort toutefois,
Faire l'amour est réservé aux riches,
Aux rentiers.
Quand deux cœurs s'unissent, dit-on,
Peu importe de se retrouver sur la paille.
Oui, mais alors
deux meurt-de-faim ne peuvent se retrouver
qu'à la soupe populaire.
La onzième tenait à son travail.
Pouvait-elle faire autrement,
Payée à la journée par un salaud ?
.......... lexandra,
Elle venait dans ma chambre
Pour y passer la nuit,
Buvait du cognac, se soûlait,
Reprenait le boulot à l'aube.
La dernière, enfin.
Je ne me suis attaché à aucune
Comme à elle.
Pas seulement femme : humaine.
Ni précieuse ridicule
Ni cupide.
Aspirant à la liberté,
A l'égalité.
Aimant les hommes
Comme elle aime la vie.
Orhan Veli, Va jusqu'où tu pourras, Editions Bleu autour - Collection Poètes, vos papiers !, mars 2009
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