Bio-bibliographie / Orhan Veli
Orhan Veli Kanık est né à Istanbul le 13 avril 1914. Mort à trente-six ans
d’une congestion cérébrale suite à accident, il laisse cinq livres de
poèmes, réunis aujourd’hui en un volume, ainsi que des essais critiques sur
l’art et des traductions du français. Dès la parution en 1936 de ses premiers vers dans la revue Varlik,
il annonce son dessein qui est de lutter contre le classicisme, sa mesure et sa
rime triviales et surannées.
Son père est clarinettiste dans l’orchestre impérial avant de prendre la
direction de l’orchestre présidentiel d’harmonie. Il travaille comme traducteur
de 1945 au 1947 au Ministère de l’Éducation . Il traduit notamment Villon, La
Fontaine, Baudelaire, Breton et Éluard puis est traducteur et journaliste indépendant. Il
publie aussi la revue culturelle Yaprak.
Il « écrit, pêche, nage, aime, boit, il arpente les rues, celles d’Istanbul
ou d’Ankara où par une nuit noire de novembre 1950, il tombe par mégarde dans
une tranchée qui barre la route. » [préface d’Elif Deniz et François
Graveline à l’édition de Va jusqu’où tu
pourras, aux éditions Bleu autour (printemps 2009)].
Il meurt trois jours plus tard.
Propos sur Orhan Veli :
« Pareil
à une sculpture de Giacometti. Long visage tourmenté, corps filiforme. Il
apparaît et disparaît de façon inexplicable. Peut réciter par cœur trois cent
cinquante marchandises vendues au Marché des Épices, et encore dans l’ordre,
toutes les rues de Paris où il n’a jamais mis les pieds. Choix exquis des mots,
poésie anti-déclamatoire. Fonde avec Melih Cevdet Anday et Oktay Rifat le
mouvement poétique Garip.
Mille difficultés, boit trop. Congestion cérébrale, mort prématurée. »
(Abidine Dino, Europe, 1983)
« Une
nouvelle tendance poétique qui s’imposa en marge de la poésie engagée de
Hikmet, interdite après le départ de celui-ci en exil, s’attaqua aux poncifs de
toute espèce à partir des années 1940. Orhan Veli Kanık (1914-1950), Oktay
Rifat (1914-1988) et Melih Cevdet Anday (1915-2002), furent les précurseurs de
ce mouvement poétique qui s’intitula Garip
[Bizarre]. Frôlant parfois le surréalisme, Garip a été une réaction contre la fioriture de la poésie du
Dîvan et la poésie de la fin du XIXe siècle. Ainsi, ce mouvement
renonça à toute image métaphorique en essayant d’exprimer, dans leur réalité
intrinsèque, les problèmes sociaux d’un pays en voie de développement. Pour ce
faire, il choisit d’utiliser le langage parlé et renoua avec les formes traditionnelles
tout en les transformant d’un point de vue moderne. » Ce passage
extrait de la préface à Garip qui a valeur de manifeste illustre
parfaitement les objectifs du mouvement dont les principales caractéristiques
sont la simplicité et l’ironie : « (...) Le vrai langage poétique
n’a pas besoin de l’artifice de la comparaison ; ce qui est
“ bizarre ”, c’est de chercher à dire les choses en les comparant à
d’autres choses, alors qu’on peut appeler chaque chose par son nom. Les
comparaisons, les allégories, les symboles et les exagérations ont jusqu’ici
saturé l’imagination poétique. (...). Tout un chacun a droit à la
poésie. Il ne s’agit pas de défendre la cause d’une classe sociale définie,
mais de s’imprégner du goût et des aspirations du plus grand nombre et d’en
trouver l’expression. » (Nedim Gürsel, « La littérature turque
contemporaine », Les Belles étrangères, 1993)
Bibliographie :
- Garip [Bizarre], recueil de poèmes, avec Oktay Rıfat et Melih Cevdet Anday
(1941 ; uniquement ses poèmes, 1945),
- La Fontaine’nin
Masalları, traduction en vers de quarante-neuf fables (1943, 2 vol.),
- Vazgeçemediğim
[Ce à quoi je n’ai pu renoncer], poèmes (1945),
- Destan Gibi
[Comme l’épopée], poèmes (1946),
- Yenisi [Le
nouveau], poèmes (1947),
- Nasrettin Hoca
Hikâyeleri, choix d’histoires en vers (1949),
- Karşı [En
face], poèmes (1949),
- Orhan Veli Bütün
Şiirleri, œuvre poétique complète (1951 ; 23e édition,
revue et corrigée, 1987),
- Orhan Veli /
Nesir Yazıları, œuvres en prose (1953 ; nouvelle édition sous le titre
Denize Doğru, 1970),
- Çeviri Şiirleri,
traductions poétiques (1982),
- Şevket Rado’ya Mektuplar, correspondance
avec Oktay Rifat et Melih Cevdet Anday, éd. Emin Nedret İşli (2002).
Anthologies / Revues
- Orhan Veli, Poèmes
(« Par beau temps », « Épitaphe », « Épitaphe »,
« Séparation »), traduits par Nimet Arzık, dans Anthologie des
poètes turcs contemporains, Paris, Gallimard, 1953, 1956.
- Poèmes
(« Quantitatif », « Monteur Sabri », « Mon lit »,
« Lettres à Oktay », « Rien que pour écrire », « Comme
nous », « Spleen », « Sur Istanbul », « Les beaux
temps », « Je ne peux pas l’exprimer », « Un héros de
roman », « Tourment », « Poème à la pince »,
« Poèmes à la sonnette », « Le flemard »,
« Vivre »), traduits par Akil Aksan, dans Anthologie de la
nouvelle poésie turque, Monte Carlo, Regain, 1966.
- Poèmes (« Par
beau temps », « Épitaphe », « Épitaphe »,
« Séparation »), traduits par Nimet Arzık, dans Anthologie de la
poésie turque (XIIIe-XXe siècle), Paris, Gallimard,
1968, 1994.
- Poèmes (« Illusion
/ Illusion », « Kitabe-i Seng-i Mezar / Épitaphe I, II »,
« Vazgeçemedigim / Ce dont je ne puis me passer », « Istanbul
/ Pour Istanbul », « Güzel Havalar / Les beaux jours »,
« Hicret / Départ I »), traduits par Michèle Aquien, Guzine
Dino et Pierre Chuvin, dans Entre les murailles et la mer, Paris,
François Maspero, 1982.
- Poèmes, dans Oluşum
/ Genèse n°1, Nancy, 1989.
- Poèmes, traduits
par Jean Pinquié et Levent Yilmaz, dans Anthologie de la poésie turque
contemporaine, Paris, Publisud, 1991.
- Poèmes (« J’écoute
Istanbul », « Pour Istanbul »), traduits par M. E. Tatarağsi et
Gérard Pfister, dans Istanbul. Rêves de Bosphore, Paris, Omnibus, 2001.
- Poème, dans Orient.
Mille ans de poésie et de peinture, Paris, Diane de Selliers, 2004.
- Poème
(« Ragots /Dedikodu »), dansOluşum / Genèsen°103,
Nancy, 2006.
* * *
"Je suis né en 1914. A un an j'avais peur des grenouilles. J'ai commencé à lire à neuf ans et à écrire à dix ans. A treize ans j'ai fait la connaissance de Oktay Rifat et à seize ans de Melih Cevdet. Je suis entré pour la première fois dans un bar à dix-sept ans et à dix-huit ans je me suis mis à boire du raki. A dix-neuf ans a commencé mon époque d'indolence. A vingt ans j'ai appris à gagner de l'argent et à supporter la misère. A vingt-cinq ans j'ai eu un accident d'automobile. J'ai été bien des fois amoureux. Je ne me suis jamais marié et, à présent, je fais mon service militaire."
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