Mon esprit arpentait cet espace clos, j'aimais vagabonder, observant le motif de l'intérieur. Mon imaginaire a mille fois ouvert la porte de cet appartement estival, profitant de l'ennui de mes après-midi parisiens pour explorer l'abandon. J'allais au passage visiter ma petite plage et sa vieille échelle rouillée, l'eau engloutissait tout jusqu'aux rochers aiguisés, laissant çà et là des bassins d'eau salée dans la roche. Pendant mon absence, le sol s'était recouvert de ventouse de mer, d'un pelouse d'algues peignées par l'écume. Le trottoir parisien était bien moins bavard. J'arpentais le même trajet deux fois par jour comme si rien n'allait plus m'arriver. Ma mère avait rendu son manuscrit, prête à affronter une nouvelle fiction qui la prendrait tout entière. Fragile laps de temps qui lui imposait la réalité en face, ces intermèdes qui lui faisait dire la vérité. Ses yeux n'étaient plus les mêmes quand elle était capturée par une fiction naissante. L'inspiration lui dictait de folles images qui contaminaient aussi soudainement notre vie commune. L'écriture attirait mon père entre nos murs, je sentais sa présence quand elle écrivait, son absence quand elle achevait une histoire. La fiction rassemblait notre famille jusqu'à cette interruption qui ne durait guère plus que quelques semaines. Absence passagère jusqu'au premier mot sur la page vierge qui le faisait revenir des mois entiers. Je m'étais accommodée de ces cycles de vie, les retrouvailles dépendaient du bon vouloir de ma mère, de son imaginaire inépuisable. Et puis j'ai compris un un jour que que je n'avais plus à attendre, je disposais de mes propres ressources pour le faire revenir. L'imagination est contagieuse entre mère et fille, elle est notre oxygène, notre nourriture quotidienne, nos vêtements d'hiver et d'été. Elle est un geste, une forme. Elle est lui.
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